Grandir avec les musiques de l’Orchestre Tropicana d’Haïti

Grandir avec les musiques de l’Orchestre Tropicana d’Haïti

Que ce soit par influence de votre famille, ou celui d’un voisin, d’un proche de vos parents, la jeune génération a de nombreuses anecdotes sur ses origines avec l’orchestre Tropicana d’Haïti. Des djokannèl (fans inconditionnels), ils sont partout. Ils ont élevé leurs enfants avec des musiques comme Anita, Adrienne, Frè kot papa. Leurs progénitures ont maintenant leur propre histoire à raconter, à l’occasion de l’anniversaire de ce groupe.

15 août 1963 – 15 août 2019, l’orchestre Tropicana d’Haïti vient de célébrer ses 56 années de carrière dans la musique. Certains ont eu la chance de faire sa connaissance dès leur plus jeune âge, que ce soit à la maison ou dans le voisinage. « J’ai grandi sur la route des Frères, le Djombala night-club n’était pas trop loin de chez moi, il n’y avait pas beaucoup de constructions à l’époque et, à chaque fois que Tropic jouait, je pouvais les entendre tandis que j’étais allongé dans mon lit », a partagé Jimmy Pamphile.

Mais on ne peut pas parler de Tropic sans son groupe rival, le grand orchestre Septentrional, qui vient d’avoir 71 ans, le 27 juillet dernier. Feguenson Hermogène, étant petit, se délectait des longs débats qui animaient des membres de sa famille, concernant qui, de Septen et Tropic, est le meilleur. « Lucie Lucie, c’est l’une des musiques de ce groupe qui a eu beaucoup d’impact sur moi, a-t-il raconté avec nostalgie. On parle même de l’histoire d’un homme qui aurait dansé avec une femme zombie dans un bal de Tropic. Elle s’est mise a chanté tellement son partenaire était un bon danseur. »

Ce groupe a une très longue histoire, et ceux qui écoutent ses morceaux musique depuis 10 ou 20 ans, comme Holamnne Jr. Detes, ont plein d’anecdotes et faits intéressants à raconter. Il nous dit que le groupe n’a jamais joué avec son plus grand rival, Septen. Cette formation musicale peut se produire en plusieurs endroits au même moment, car les anciens se sont assurés de la pérennisation de leur héritage en enrôlant de nombreux jeunes dans la bande. Tropicana n’est jamais en retard à un bal la discipline est de rigueur chez eux. De grands compositeurs comme le père d’Arly Larivière, le talentueux Daniel Larivière, ont fait partie de ce groupe dont couleur est le blanc et le bleu, au contraire de Septen qui arborent le jaune et le vert. « Et apparemment, Tropic ont un très vieux différent avec Septen à propos d’une femme, le titre « Toto » de ce groupe devrait éclairer votre lanterne », raconte Wilner Jean.

Des intrigues à propos de Tropicana et de Septen, il n’y a pas que par rapport aux femmes, il y en a aussi avec le président de l’époque. Hermogène raconte que Duvalier s’en est pris à Tropicana à cause de sa position contre le dictateur. À l’époque, c’était soit on était pour Duvalier, soit on était contre lui. Le groupe a dû écrire une chanson pour Papa Doc, afin de garder sa tête. Septen aussi a dû écrire pour lui, explique Nazaire Joinville. Celui-ci avait écrit une musique où cela disait « yo bèl, yo anfòm », des partisans du tyran ont pensé que la musique disait plutôt «  rebèl yo anfòm ». Ulrich Pierre-Louis fut convoqué au Palais national, il expliqua le malentendu et en profita pour faire écouter au despote une musique que Septen venait de composer s’intitulant, « Président à vie ». Ce qui plut tellement à Duvalier qu’il lui offrit de bâtir un club pour le groupe, l’actuel « Feu vert night-club » au Cap-Haitien.

Les émotions qui nous traversent lorsqu’on écoute Tropic sont multiples, on peine souvent à mettre des mots sur nos sentiments. Pour Hermogène, Pamphile ou Detes, ce patrimoine de la musique haïtienne leur inspire beaucoup de fierté quant à la qualité qui ne fait qu’augmenter, pareil à un bon vin qui vieillit. « À chaque fois que je les écoute, je me dis que c’est l’une des nombreuses choses que les Haïtiens ont fait de bon », déclare Pamphile avec émoi. La musique de Tropic fait émerger beaucoup de souvenirs à propos de leur enfance, de leur jeunesse. « Je me rappelle d’un voisin qui venait d’acheter l’album Veye priye sur cassette. Il l’écoutait à longueur de journée, si bien que je pouvais vous dire quelle musique allait suivre après Boske lavi, Tonbo blanchi, Ti madanm », se rappelle Hermogène perdu dans ses souvenirs.

En dehors de produire une musique de qualité, Tropicana est devenu aussi un centre de formation où beaucoup de jeunes ont reçu leur gallon. Ensuite, viennent ses pépinières qui assurent sa présence partout dans le pays. Puis, les nombreuses interprétations de sa musique, des remakes, faites par d’autres artistes ou groupes. La nouvelle génération de djokannèl a l’honneur d’être des spectateurs de cette joute du présent qui veut englober le passé sans le dénaturer.

Hervia Dorsinville
Lenouvelliste

Previous Grande réouverture de Rev'Ciné, le cinéma de Pétion-Ville
Next Il n’y a pas que des barricades à Port-au-Prince, le street art investit nos murs

About author

You might also like

Culture

La Chapelle royale de Milot entre grandeur et mission de l’Etat haïtien

L’an dernier, à l’approche des fêtes de Pâques, les Français ont vécu avec douleur et  tristesse l’incendie de la cathédrale  Notre-Dame de Paris. La flèche de cette œuvre monumentale est partie

Culture

Il n’y a pas que des barricades à Port-au-Prince, le street art investit nos murs

Pendant que l’on brûle des pneus à l’avenue Lamartinière, au Bois Verna, ce mardi 17 septembre, le festival de graffitis ne chôme pas. Les graffiteurs continuent à peindre nos murs.

Peinture

Le street art ne s’est pas laissé intimider par les barricades de Port-au-Prince

Tenue sur le thème « Mobilité contemporaine – Déterritorialiser l’imaginaire », la 4e édition de Festi Graffiti s’est étendue un petit peu plus que la période du 10 au 20 septembre, qui était